Article paru dans Vous et votre Santé n° 7, décembre 2012

«Sois bègue et tais-toi»

ou les raisons d’un bégaiement et ses solutions de guérison

Monica, de famille aristocratique et très religieuse, est restée vieille fille. Petite fille aussi, d’une fraîcheur déconcertante par intermittence, quand elle ne bégaie pas sous l’effet de l’émotion. Le premier entretien débute souvent par une « lecture de la signature » levant les points sensibles et délivrant ainsi chez le consultant des émotions, des paroles trop longtemps tues.

- De la maternelle à la fin de la 3ème, je ne parlais pas. On m’a fait redoubler deux classes en primaire ce qui a achevé de me paralyser. J’aimerais retrouver cette spontanéité, cette envie de vivre qui me caractérisait enfant. Enfant, dyslexique, j’étais bègue sur le g.

Le bégaiement a des origines diverses. Est-il lié à un attachement excessif à la mère, à un père terrorisant, à des peurs, des craintes, des chocs émotionnels ou des tensions ? L’un des facteurs ou l’ensemble va créer des tensions musculaires provoquant ce dysfonctionnement vocal. Des massages, de la musicothérapie, la psychothérapie ou la psychanalyse peuvent apporter un soulagement voire une guérison de l’affection.

-    À quel élément ou symbole se reliait ce g ?

-    Notre père avait un garage, une trentaine d’employés, et du matin au soir il nous interdisait de parler, nous soûlait avec les soucis de ses clients, du personnel, accaparait ma mère qui avait trop à faire avec sa ribambelle d’enfants et peinait à l’écouter. Notre père avait des lettres et scandait toute la journée citant l’Art poétique de Boileau : « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, Et les mots pour le dire arrivent aisément » (Boileau) au milieu de vers de Racine, m’inhibant un peu plus ! Mon père est décédé il y a 20 ans : exigeant, cultivé, je ne pouvais pas lui parler. Ensuite ma sœur aînée très autoritaire a pris le relais. Elle a eu un rôle énorme dans ma vie sentimentale pour l’éradiquer, allant même jusqu’à employer des moyens radicaux pour m’empêcher d’aller à un rendez-vous amoureux. Peut-être, sans doute, ai-je ainsi raté l’homme de ma vie.

-    Observons que la lettre g se situe au cœur du mot bégaiement, que sa forme rappelle le colon, la manière d’ingérer, une sorte de « garage » où l’on entasse les émotions, les événements, les aliments matériels affectifs ou spirituels… g condense cette voie de garage de l’évolution, une lettre piège à deux prononciations [g] et [ʒ] – comme d    ans garage.

-    Justement, j’ai des soucis très important du côté des tripes et je ne vous en avais pas parlé, car ils sont d’une trivialité gênante !

-    Pas de tabou en psychanalyse, mais avez-vous eu des problèmes de thyroïde ?

-    C’est curieux que vous me demandiez cela. Je n’en ai pas, mais ma sœur aînée a un cancer de la thyroïde.

-    Les problèmes de la thyroïde sont souvent dus à l’irrespect. Les mots induisent des maux, les mots acerbes vont engendrer de l’acidité, des problèmes d’estomac, une digestion difficile et une assimilation défectueuse.

-    Dimanche dernier je suis allée voir ma sœur aînée, avec sans doute l’idée inconsciente de m’affronter à elle. Elle a essayé de m’imposer sa loi et j’ai résisté au point que le rapport de force entre nous s’est inversé. Et j’ai observé ce phénomène surprenant que plus je la tenais en respect, moins je bégayais. La psychanalyse me renforce, je ne bégaie plus.

-    À travers votre histoire il semble que ceux ou celles qui imposent l’irrespect subissent sa féroce loi somatique et que le bégaiement induit par le stress ou la peur peut disparaître du jour au lendemain. Dans les deux cas, c’est l’effet boomerang de l’événement engendré…

Soana Kristen. Psychanalyste onirocriticienne