O comme Onirique

 

La Baie d’Along

Le 25 juillet, deux jours avant de vous appeler, mon esprit se focalisait sur la traversée de la Baie d’Along, mythique, onirique, féerique avant même de l’avoir contemplée. À l’embarcadère, une flottille bigarrée, chevillée, comme posée sur l’eau calme. Le bois y règne souverain, sculptant les proues en dragon, symbole du Vietnam, prêt à éperonner sur la mer de Chine qu’on préfère baptiser Golfe du Tanka. Au départ de la Baie d’Along, ils sont une myriade, bateaux de pêche de toutes tailles aux filets teints, aux mailles soigneusement reprisées, navires de transport aux somptueuses balustrades laquées et semblables à des palaces miniatures, meublés d’acajou, villas flottantes d’un jour. L’aurore flamboie, claire sur un ciel nuancé d’azur et de gris. Les bruines lointaines couvrent la baie d’un manteau diffus, presque orageux. La luminosité transperce encore les nuages, portant bas leur ombre, dont on ne peut encore savoir si elle est amie ou ennemie. Les typhons sont nombreux au pays du matin calme dit-on pour déjouer le mauvais sort. Le brouillard dans sa nébuleuse façade se déchire pour laisser voir les grands rochers qui encerclent cette baie de part en part, à la manière d’une estampe chinoise fumée. La pluie tombe à petites gouttes déjà, et nous voguons vers une grotte enfouie dans une de ces sculptures de calcaire alliant fantastique au sentiment de traîtrise vaporisé peut-être par le flou mélancolique des éléments. Le soleil lance ses étincelles au travers des nuées bleutées et blanchâtres rendant la beauté du lieu encore plus saisissante, déjà ensorcelante. La brume vespérale s’empare de la baie, la pluie l’inonde de gemmes de plus en plus lourdes, larmes annonciatrices d’orage. Nous croisons de petits sampans isolés, spectacle de marionnettes Wayang grandeur nature, tantôt un couple, seul, sans un regard autour de lui, afféré à la pêche, récalcitrant à la tourmente, tantôt un rameur ou une rameuse insolents d’isolement, protégés seulement par leur chapeau conique à multi usages. Les bateaux, de bois de teck, singulièrement et princièrement décorés ont un point commun : les yeux sur la proue du dragon à mission apotropaïque. Deux poutres, telles des mains jointes vers le ciel, implorent le ciel en une ultime méditation. La baie est ouatée, très silencieuse, fantomatique, bien que sillonnée par les bateaux à moteur ouvragés. Les rochers tels des géants inexpugnables, sont plantés sur cette mer. Blocs noirs et blancs envahis par les arbres et les oiseaux dont on entend aux abords les vocalises charmeuses, presque miséricordieuses, captieux chant des sirènes. Les cavernes, peu à peu, dévoilent leurs anfractuosités, temples naturels et caches indécelables abritant les pirates des mers, les ermites de hasard. L’imagination hypnotisée crée ses fantasmagories dont les scénarios fabuleux risquent d’être bien en deçà d’une réalité pilleuse, tueuse, aventureuse sans nul doute.

La cascade

Sa peau, elle la trouve plus veloutée, plus dorée, puis c’est comme si ses lèvres, son ventre, ses cuisses, ne lui appartenaient plus, et ce ventre qui frémit tout seul. Et ses longues jambes qui s’enroulent autour de lui alors qu’on ne leur demande rien. Et lui, le mauvais garçon qui se jette sur elle comme un tigre affamé faisant patte de velours en se pourléchant les babines de cette ondine à moitié nue. Le rire de Roxane résonne sous l’averse. Un combat sans merci s’engage entre eux. Ils se penchent, s’attrapent, se rattrapent, se frôlent et se recherchent, s’amusent de leurs ébats. Wilfried sent l’instinct du chasseur se réveiller de plus en plus âpre. Il la soumettra qu’elle le veuille ou non. Il sait bien qu’au fond, elle le veut. Il l’empoigne, la porte dans ses bras, hurlante et fébrile, l’allonge sur les lingams et les fleurs de lotus. Tigres mélancoliques, ours embusqués, lions sournois se pavanent dans les replis iridescents bordés de lagerstroemias. Une fois dans l’eau, Roxane ondule de plus belle, comme tout entière happée par une vague du fond des âges inconnue d’elle-même mais la propulsant comme une étoile dans les bras de Wilfried et surtout contre son torse, son ventre, absorbée. […]

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