Article paru dans Votre Santé n° 148, février 2012

Le fabliau du renard-minou

Socialement, notre songeur est un animal hybride. Né dans le terroir, d’une famille de cultivateurs, il fait figure de vilain grand canard. Le Béarn n’est pas Bali où paysan et artiste vont de pair. Notre colosse a mal au dos dès qu’il s’agit de se pencher, aux mains dès qu’il s’agit de gratter la terre. En revanche la guitare est sa muse, Paco de Lucia son héros. Chacun de ses rêves est une petite fable. Voici celle du renard :

Je traverse une zone inondée avec mes parents et d’autres gens. Je porte dans mes bras un renard pour qu’il ne soit pas trempé. Arrivé à la terre ferme je le relâche en me disant que je ferais mieux de lui mettre une laisse et aussi que je ferais bien d’attendre mon père. Mais non, le renard s’engouffre dans un poulailler. Je l’y cherche, tombe sur un chien noir pas méchant, et j’appelle le renard « minou, minou ». Il est parti (le poulailler est à l’abandon, il n’y a pas de poule).

Le rêveur voit dans son songe une relation entre l’état intérieur et l’état extérieur, assez fier du retour de l’animal totem récurrent de ses rêves, représentatif de son côté rusé. Il interprète renard comme « re-ar », une façon de se remettre en phase avec son art. On peut y voir aussi le retard mis à atteindre cet objectif : les vacances scolaires synonyme de vacance d’effort. Le renard prêt à rapter quelques poules : est-ce une envie d’école buissonnière à la veille de la rentrée, malgré le poulailler à l’abandon et les dispositions laborieuses bien présentes ? Le chien noir est le gardien des instincts. Aux abois notre consultant s’angoisse, regimbe, mais sans méchanceté foncière. Avoir de la trempe dans son métier de professeur sans renier un coté sauvage, c’est tenir les rennes de son art. Le rêve enregistre le passage du rustique – (aux godillots trempés) – au rusé (qui vient d’acquérir sa première belle paire de chaussures). Au fil des entretiens, il comprend que sa liberté s’exerce non dans le vagabondage au gré des événements, mais dans un cheminement qui cultive l’effort sans relâche. Que le renard soit appelé « minou » met aussi sur la piste du désir, du féminin (symbolisé par la zone inondée, les marais, trempé). Les mêmes mots évoquent d’autres maux liés au risque d’alcool et au manque de foi. Le rêve-fabliau traite de la grande question pour un homme : comment s’attacher une femme ou faire miauler l’anima (la muse) sous la fourrure renarde. Il livre trois solutions qui semblent épuiser les possibilités logiques :
– Le rapt (ne pas lâcher le renard), mal vu dans notre société !
– La laisse (comme un bracelet électronique ?) : un entre-deux entre liberté et emprisonnement.
– La liberté (pour la fiancée/la poule) – au risque de l’abandon.

Le rêve met à l’essai ou à l’épreuve trois manières de former couple. Quelle est la meilleure formule ? La séquestration, la liberté surveillée ou la liberté totale laissée à l’autre ? Le rêve décrit l’itinéraire d’un artiste passant d’un état ensauvagé à un plus domestique cherchant à être davantage maître de lui et ainsi trouver le secret de l’attachement amoureux !

Soana Kristen, psychanalyste onirocriticienne

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